Récit: Youcef Akrout et Youssef Trifa
Ce
samedi, nous avons commencé notre travail d’enquête sur la fonction
résidentielle, accompagnés de M. Luquet avec qui nous avions préparé une série
de questions.
Nous avons tout d’abord pu interviewer une tante de Baya,
qui réside dans la Médina depuis 1999, et a été témoin des changements que la
ville a connus. Aussi a-t-elle commencé par nous détaillé le processus de restauration
de la Médina, tout d’abord entrepris par l’Etat puis l’Association de Sauvegarde de la Médina,
dans les années 1970, se concentrant sur les monuments historiques et
symboliques (zaouïas, mosquées,…) tandis que les habitations continuant à se
dégrader, c’est pourquoi de puis les années 1990 nous assistons à une deuxième
phase de restauration, organisée par les particuliers qui financent les
travaux.
De
même, la population de la médina a beaucoup évolué depuis l’indépendance,
puisqu’une grande partie des Tunisois, les Beldias, se sont installés dans des
quartiers plus modernes du nouveau Tunis, tandis qu’ils étaient remplacés par
les Douaris, venant du Sud (Matmata, Tataouine…). Cette atomisation est à
l’origine e la division de la Médina en quartiers, ne formant plus un tout
unique. Cela entraîne une disparition du tissu social, et une sorte de
paupérisation de certains quartiers, mais en même temps la présence des Douaris
est nécessaire car permet à la Médina de continuer à vivre.
Aussi,
petit à petit, l'image de la Médina se transforme, puisque de "ville
abandonnée par les siens, elle devient le lieu de prédilection pour le
développement du tourisme alternatif à Tunis.
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Notre
interlocutrice nous avoue ensuite beaucoup apprécier la vie dans la Médina, car
très différente de celle des quartiers dortoirs de Tunis. En effet, il y règne
une promiscuité importante, qui renforce la place des valeurs humaines, car
"même si la Médina compte 10000 maisons, tous le monde connaît tout le
monde", et ce tout en jouissant de tous les plaisirs de la vie moderne:
gaz de ville, wifi...
Nous
avons ensuite pu visiter sa maison, qui appartenait auparavant à un riche
aristocrate avant-gardiste et qu'elle a presque entièrement restaurée, le défi
étant le suivant: moderniser sans dénaturer. Aussi la maison présente-t-elle
diverses strates correspondant aux restaurations successives qu'elle a subies,
du XIXème siècle, avec les peintures au plafond italiennes, à nos jours, en
passant par des céramiques datant de la seconde moitié du XXème siècle, et même
un colonne hafside du XIIIème siècle au rez de chaussée. C'est pourquoi notre
interlocutrice affirme que "la maison possède une mémoire; elle absorbe tout, mais on ne peut se
permettre tout".
Ensuite,
nous avons visité une seconde maison appartenant à la cousine de Baya. Celle-ci
est jeune, ente 18 et 20 ans et elle possède des avis différents par rapport à
la tante de Baya. Ceci peut s’expliquer par la différence d’âge et, par
conséquence, les différences de loisirs, d’aspirations…
Cela
fait 4 ans qu’elle vit dans la Médina, après avoir été dans la banlieue où elle
a grandi toute son enfance et son adolescence. Elle affirme que le cadre de vie
est différent et qu’il s’agit d’une nouvelle expérience. Elle ne prétend pas
être heureuse là-bas puisqu’elle était habituée à « profiter de la
vie » alors qu’elle se retrouve ici sans loisirs. Elle est contrainte de
se déplacer hebdomadairement vers la banlieue pour rencontrer ses amis (elle a
des relations assez froides avec les voisins). Cependant, notre interlocutrice
apprécie un aspect qu’elle ne peut pas retrouver à Carthage : la
discrétion, qui est une des valeurs les plus importantes dans la Médina où la
porte de la maison représente une barrière entre le monde extérieur et l’espace
interne. Néanmoins, elle veut déménager le plus tôt possible mais elle affirme
vouloir retourner à la Médina dans 20, 30 ans. Pour elle, le fait de restaurer
une maison là-bas est un bon investissement. Mais, il est intéressant de noter
que la restauration de la deuxième maison n’a pas été effectuée de la même
manière que la première. Le respect à l’architecture authentique est bien moins
important.
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Enfin,
notre interlocutrice veut que la Médina change. Elle invite à la laïcisation de
celle-ci et à l’épuration des populations afin de laisser les plus respectueux au
patrimoine vivre dans ce site historique. Les « nouveaux riches »
sont extravaguent et veulent à tout prix exposer leurs richesses pour égaler
les aristocrates. De plus, le trafic de drogues est présent et les policiers
sont généralement absents. Elle a donc perdu une forme d’aisance qu’elle avait
auparavant à la Marsa.
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